Il devait être 22h lorsque j'avais conclu le dernier deal de ma journée. Elle avait été longue et les négociations avaient été plus difficiles que prévues, mais j'avais gagné au final et j'étais reparti avec plus que demander. Ouvrant le coffre de ma voiture, je plaçai l'argent dans le compartiment de la roue de secours, avant de refermer le coffre et de partir en direction de chez moi. Je n'attendais qu'une chose, m'installer dans mon canapé avec une bouteille sur la table et un verre dans la main, à regarder les dernières infos à la télé que j'oublierais à coup sûr. Seulement les choses n'allaient pas toujours comme on le désirait et au moment de passer un carrefour, ma voiture refusa d'avancer. J'avais beau avoir essayé de la faire redémarrer, elle refusait. Ce devait être la batterie, on m'avait dit de la changer mais j'avais trop à faire ces temps. Sortant de la voiture, j'avais gardé la portière ouverte afin de pousser la voiture et de la diriger sur la zone de parcage. Je restai un instant à ne rien faire, j'avais le choix entre appeler un dépanneur ou appeler un taxi. Seulement j'avais envie de boire et lorsque j'en vis un au coin de la rue, je n'avais pas hésité, verrouillant ma voiture avant de me diriger vers l'endroit où j'aurais droit à mon verre. En entrant à l'intérieur, je vis les groupes habituels; les habitués, le groupe d'adolescents qui s'apprêtaient à quitter le lieu pour aller en boîte et des gens au bar, donc une femme esseulée. Je m'approchai du comptoir et reconnus la jeune femme, c'était Kate. Je l'avais connue dans un endroit comme celui-ci, on avait bu, on avait couché ensemble et j'étais finalement parti comme je le faisais tout le temps. Par la suite, elle avait tenté de revenir vers moi mais je l'avais repoussée à chaque fois sans réellement m'intéresser à elle. Seulement il y a de ça quelques jours, lorsque je l'avais croisée et lui avais demandé d'arrêter, un mec était venu me dire que j'étais sûrement le premier à la repousser. J'avais demandé pourquoi et il m'avait répondu qu'elle se prostituait et pas pour n'importe qui. J'avais toujours su qu'elle se prostituait, elle me l'avait avouée lors de notre première soirée… mais je n'avais jamais pensé au fait qu'elles puissent fréquenter des gens importants. C'est pour ça qu'au moment de m'asseoir sur le tabouret, j'engageai la conversation.

«J'espère que tu n'attends personne» J'avais aussitôt retourné mon visage en sa direction, laissant mes yeux observer les siens. Des yeux clairs que je ne me lassais pas d'admirer lorsque je le pouvais.

J'étais déjà là depuis plusieurs heures à contempler la pendule en face du comptoir , je ne cessais de la regarder et à chaque déplacement de la trotteuse je remettais toute ma vie en question. Comment avais-je pu en arriver là ? Est-ce que je suis vraiment si terrible que ça pour me faire virer de mon travail , par mes parents et même par un mec ?! Ce dernier rejet m'avais presque anéantit. Je ne suis pourtant pas une fille ultra sensible mais certains hommes ont un don pour briser mes rêves de petite fille. Je m'apprêtait à rentrer chez moi quand le barman vint me proposer une nouvelle bière que je ne pu bien entendu pas lui refuser. De toute façon si je ne voulais pas rentrer chez moi alcoolisée c'était déjà bien trop tard alors une de plus ou de moins n'allais rien changer. La petite clochette à l'entrer du bar ne cessait de sonner à chaque fois que quelqu'un pénétrait à l'intérieur , elle me rendait totalement folle cette clochette. Le barman me servit enfin ma boisson et je commençait à la boire lentement , la mousse restait collée à mes lèvres alors je passa un coup de langue sur ces dernières lorsque j'entendis la voix d'un homme que je n'aurais peut-être du jamais rencontrer mais à qui j'étais tellement accrochée. «Si par "personne" tu entends client , alors non je n'attend personne...» J'étais plutôt froide je l'avoue mais bon , il l'avait bien mérité et puis je ne sais même pas pourquoi il était venu vers moi. Je bu donc une nouvelle fois un peu de ma bière sans le regarder une seule fois.

Je ne me serais pas attendu à cette répondre, mais d'un côté je n'allais pas commencer à me plaindre, elle avait ses droits. Après notre nuit j'étais parti, je pense pas que ce fut un problème dans le genre mais le fait que je la repousse à chaque fois qu'elle me croisait, n'a jamais du lui plaire et surtout la dernière fois. J'avais été bien plus froid et je n'avais pas retenu mes mots. Elle aurait presque mérité des excuses mais je n'allais pas le faire, ce n'était pas mon genre et même si ce soir j'avais envie rattraper le coup pour pouvoir obtenir quelque chose d'elle, je le ferais d'une toute autre manière. Je laissais alors un sourire se dessiner sur mes lèvres et je fis signe au serveur de m'apporter la même chose qu'elle. Restant un instant silencieux, je déposai mes mains sur le comptoir tout en repoussant des miettes de je ne sais quoi. Voyant ma bière arrivée, je remerciai le serveur et reportai mon attention sur celle qui se tenait à côté de moi. «Je parlais en générale, j'ose croise que ton entourage ne se compose pas que de clients» Je levai mon verre devant elle mais elle ne bougea pas. J'en rigolai alors puis bus une longue gorgée avant de reposer mon verre et de poursuivre sur ma lancée. «Mauvais journée?» Je laissais mon regard sur elle, je ne comptais pas vraiment le poser ailleurs, et ce malgré qu'elle laissait son regard figer sur l'horloge… je n'allais pas la harceler pour qu'elle me regarde, tant qu'elle me parlait, c'était suffisant.

Certes il était là à côté de moi mais la dernière fois qu'il m'a repoussé cela m'a fais plus mal que jamais , pas physiquement mais mentalement. Je n'ai cessée d'espérer le revoir un jour et peut-être repartir sur de bonnes bases mais je n'y arrive pas , je peine même à le regarder. Puis lorsqu'il se mit à parler de mon entourage , je devins toute rouge , mon père s'est suicidé alors que j'avais douze ans et ma propre mère m'a expulsée de chez elle alors parler de mon entourage était la goutte d'eau qui faisait déborder le vase. «Parfois je préfèrerais que ma famille ne soit que mes clients mais malheureusement c'est pas le cas !» Je commençais à avoir chaud alors que je sentais bien qu'il ne cessait pas de me regarder pendant que je fixer cette pendule pour ne pas croiser son regard qui m'avait fait craquer. Je bus encore un peu alors que la mousse se déposée une nouvelle fois sur mes lèvres puis il me posa une question qui me fit avaler ma bière de travers. «Mauvaise journée ? C'est pire qu'une mauvaise journée , une fille comme moi qui ne trouve pas de client pendant toute une journée c'est une très mauvaise journée crois moi.» Je baissa la tête en serra mes mains l'une contre l'autre puis je daignais enfin lui adresser un regard. «Pourquoi tu es là , tu veux me faire souffrir ... une fois de plus ?» Dis-je en attrapant le petit bol de cacahuètes qui étaient à côté de moi pour en manger quelques-unes.

Mon principal défaut était que je ne m'intéressais pas aux femmes avec qui je couchais, ou plutôt c'était une sécurité afin de ne pas y être attaché. Je détestas ressentir de la compassion pour quelqu'un, ou tout simplement ressentir quelque chose qui me poussait à penser à quelqu'un. Il y a quelques années, j'avais été différent mais au fond il ne fallait pas rêver, jamais je n'aurais pu être ce mec qui souriait sans cacher quelque chose éternellement. J'avais changé et je ne m'en plaignais pas, j'avais plus qu'une carapace autour de moi et je ne comptais pas m'en séparer. Cependant ce soir et avec Kate, je devrais tenter d'agir différemment pour gagner sa confiance, chose qui se ferait petit à petit. Petit à petit oui, car je ne la voyais pas comme une personne facile et puis je venais de toucher un point sensible. Je ne marquais pas des points. Les yeux posés sur ma bière, j'haussai les sourcils, comme pour me faire comprendre que je devrais en montrer davantage. «T'as le mérite d'être claire au moins… mais ne pense pas être la seule à désirer ça» En effet, l'amour qu'elle portait à sa famille n'était pas énorme, c'était un point que l'on avait en commun. Je ne comptais pas l'utiliser pour qu'elle se confie à moi, elle avait l'air très susceptible sur ce point. Mon attention se porta sur elle en l'entendant avaler de travers, mon sourire s'élargit de plus belle et je me pinçai les lèvres, l'écoutant ensuite se plaindre de sa journée. Je n'ajoutai rien, après tout que pouvais-je lui dire? Que je pourrais l'aider à la rendre meilleure? Non, je ne pense pas qu'elle aurait été prête à coucher avec moi pour pouvoir gagner de l'argent, du moins elle ne l'accepterait pas maintenant. Son regard eut l'effet de me faire revenir à elle et je cessai de pincer mes lèvres pour ma bière, secouant négativement la tête à sa question, l'observant prendre quelques cacahuètes. «A la base je suis venu ici pour boire un truc. Ma voiture est tombée en panne. Mais en te voyant, je me suis dit que l'on pourrait peut-être tenter de repartir sur de bonnes bases. J'ai été assez dur avec toi la dernière fois et je pense pas que tu méritais d'être traitée ainsi. Mais on a tous des journées qui ne vont de travers, comme toi aujourd'hui.»

Je ne connaissais que très peu Milo en réalité et je connaissais encore moins son histoire avec ses proches. Mais au vu de sa réaction il devait être en mesure de me comprendre , il semblait lui aussi avoir connu des problèmes avec sa famille. Avec ses airs de mauvais garçon il semblait tout de même posséder un cœur et être un minimum sensible. J'essayais maintenant de voir se qu'il avait dans la tête en le fixant dans les yeux tout en piochant de temps en temps dans le bol de cacahuètes. Mais il avait les yeux qui ne parlaient pas , au contraire , il semblait avoir un regard totalement dénué d'émotion et froid à glacer le sang. «Tu veux peut-être que je te serve de psychologue familiale ?» Je lui adressa un petit sourire bien que timide il n'en était pas moins sincère et spontané. Plus je parlais avec lui et plus je me rendais compte qu'il n'était peut-être pas si mauvais que ça , néanmoins je restais sur mes gardes. Des hommes comme lui j'en vois chaque jours de ma pauvre existence et au bout du compte il leur ressemblait .«Oh je vois ...» Il voulait repartir sur de bonnes bases et moi aussi , c'était peut-être enfin le moment de lui accorder un petit peu plus de confiance , peut-être qu'il était réellement sincère cette fois et qu'il ne me trahirait pas. Je bu alors une nouvelle gorgée de ma bière qui allait être bientôt vide puis reposa mon regard sur Milo. «A se que je sache aujourd'hui je n'ai pas laissée un homme seul dans son lit au petit matin. Je ne sais vraiment pas si je peux encore te faire confiance.»

Je continuais de jouer à le fixer dans les yeux , un petit défi du regard ne peux pas faire de mal et en réalité j'attendais impatiemment qu'il baisse les yeux mais malheureusement pour moi il ne les baissait pas et me fixer lui aussi. Un nouveau sourire apparu sur mon visage lorsqu'il baissa les yeux un petit moment vers sa bière puis un autre lorsqu'il m'annonça que les psychologues n'étaient pas réellement ses amis. Je baissa donc les yeux à mon tours pour attraper ma bière et la finir. «Tu sais , après la mort de mon père les psychologues m'ont certainement permis de ne pas faire une grosse connerie. Si tu es mal tu devrais en voir un ...» J'avais moi même du mal à en croire mes oreilles , je venais de me confier à lui , à l'homme qui s'était servit de moi pour une nuit avant de me laisser seule dans mon lit. Et le voilà maintenant qu'il voulait m'acheter avec une bière , je ne suis pas certaine de sa sincérité mais bon on ne peut pas refuser une bière lorsqu'on a même plus assez d'argent pour appeler un taxi. Après tout il était peut-être sincère et son sourire parvenait à m'embrouiller le cerveau. «Si tu me le propose si gentillement je ne peux pas refuser. Mais ne crois pas t'en tirer avec une simple bière !» Oui quand même il fallait que je reste un minimum stricte et ... chiante.

Comme ça lui aussi se confiait sur ses problèmes familiaux. Je ne sais pas qu'elle est la pire situation , ne pas supporter ses parents ou en avoir perdu un alors que l'autre vous détestes purement et simplement. Quoi qu'il en soit j'étais fière d'avoir réussie à le faire parler un peu plus sur sa situation personnelle. Je le regardais alors en faisant tourner ma bouteille de bière vide dans ma main avant de lui adresser un petit sourire tout timide. «J'espère pour toi que tout ça s'arrangera un jour , tu as encore tes parents alors profite en ...» Je parlais en connaissance de cause puisqu'après la mort de mon père ma mère avait prit soin de moi pendant deux ans avant de me laisser seule livrée à moi même que se soit pour les cours ou pour tout le reste. Elle ne m'a jamais demandée comment j'allais ni se que j'avais faite de ma journée alors que je rentrais parfois tard le soir à l'âge de quinze ans seulement. Enfin il me regarda de nouveau droit dans les yeux , à croire qu'il était totalement sous le charme de ceux-là et c'est quelque chose qui n'arrivais pas souvent puisque les hommes préfère coucher avec moi que de prendre du temps pour admirer mes beaux yeux. En plus de ça il m'annonce qu'il essaye de se rattraper , comme si je n'avais pas vu les efforts qu'il faisait depuis tout à l'heure. «Écoute Milo je sais que tu veux faire des efforts mais tu vois j'ai besoin d'un peu de temps pour te redonner ma confiance ou plutôt pour te la donner tout court puisque je ne me rappelle même pas avoir discutée avec toi plus de cinq minutes ce fameux soir.» En effet la soirée avait était plutôt arrosée et les deux n'avaient pas réellement pris le temps de faire connaissance et avaient préférés faire connaissance au lit. Et voilà maintenant qu'il me dit que je lui plait ! Là il va peut-être un peu loin d'un coup. «C'est certain que c'est plus facile d'être un salaud mais dire que je te plait je ne pense pas que se soit vrai. Même un salaud ne repousse pas une femme au point de la dégouter de soit.» Il fallait vraiment que je fasse semblant d'être dégoutée de lui pour ne pas lui faire trop espérer , je bue donc un peu de ma bière en masquant un petit sourire en coin.