C'était dangereux. Si Aaron était raisonnable, il se barrerait en courant. Sauf qu'il était loin d'être d'une grande sagesse et qu'il allait craquer. Un peu brusquement, Aaron écarta la main de Célia de son torse et se rapprocha d'elle pour enfouir sa tête dans son cou qu'il eut du mal à s'empêcher d'embrasser. Aaron retenait maintenant Célia contre l'arbre. Un geste, une parole et il la laisserait partir... Ou pas.

Aaron sentit Célia se crisper. Il avait compris, cette femme lui est et lui restera interdite. Il déposa un baiser sur son épaule avant de s'éloigner d'elle... Puis de revenir attraper sa main et l'entrainer un peu plus loin dans les bois.
Pour rien au monde il laisserait Célia devenir une autre de ses conquêtes. Ce serait trop destructeur, ils ne s'en sortiraient pas indemnes.

La situation dérapait. Aaron le savait mais ne s'en formalisa pas. Pendant de longues secondes, il retint son souffle, inquiet de savoir Célia si décidée et heureux de l'effet qu'elle lui faisait. Il mit longtemps avant de laisser ces quelques mots sortir de sa bouche :

- Fais ce que tu veux de moi.

Il la regardait rire et cela le fit instantanément sourire.

La situation était belle et bien contrôlée, sinon Célia ne serait pas aussi sur d'elle..elle aimait le chercher, le rendre dingue .. elle se mordilla la lèvre à sa réponse puis afficha un sourire en coin tout en lui répondant..

Je fais toujours ce que je veux de toi ..

Et oui, elle savait qu'elle pouvait l'influencer..elle lui caressa délicatement la main puis lui lâcha sachant qu'il n'allait pas se retirer, du moins elle l'espérait ..

Parle moi .. dit moi ..

Aaron avait déjà réfléchi plusieurs fois à comment il pourrait éviter leur destruction. Et il n'avait trouvé qu'une solution : arrêter de se fréquenter. Il pouvait faire ça. Ce serait facile de la blesser, il saurait trouvé les mots, les gestes... Un adieu cruel mais efficace.

- Je t'ai déjà dit, je n'ai rien à dire.

C'est donc ça que cherchait Célia! Bien joué, pensa-t-il en souriant. Elle ne cesserait jamais de l'étonner.

L'étonnement d'Aaron laissa place à un sentiment dubitatif. Alors elle partait? Comme ça? Parce qu'il ne savait pas mettre des mots à ses sentiments pour elle? Très bien!
Il se leva d'un coup et la regarda partir. La colère rendait ses joues roses.

- T'as raison Célia. J'en ai marre de jouer moi.

Et dans des mouvements imprécis et saccadés, il sortir son tabac et ses OCB pour se rouler une cigarette. On ne change pas un homme. Surtout quand il a 18 ans alors qu'il semble avoir vécu 40 ans.

C'était comme ça qu'était Aaron : imprévisible et incompréhensible. Rares étaient les personnes qui arrivaient à le suivre. Aaron était un jeune homme clairement dérangé, proche de la démence, qu'il cachait avec son attitude de bad boy.

- Jouer à rien.

Il reprit avec douceur son tabac et ses OCB et avant de continuer son processus de roulage de clope, il prit le temps de rassurer Célia.

- Je ne m'énerve pas, je serai très calme, dit-il manifestement énervé, quand j'aurais fumé.

Il enleva la main de Célia de sa joue qui redevenait blanche tellement il était concentré parce qu'il faisait.

Cette fille le rendait absolument dingue. Et puis merde! Elle vient de le priver de son seul moyen de se calmer. D'accord, d'accord... Respire Aaron, zeeen.

- T'es trop importante. Trop parfaite pour que je me permette de m'attacher à toi. Et pourtant je suis plus qu'attaché à toi. Pourquoi tu comprends pas? Pourquoi tu vois pas? On a rien à gagner en se fréquentant. On va se détruire. Se casser en deux...

Involontairement, Aaron éclata de rire. Un rire méchant. Ce n'était pas contre Célia mais contre lui-même.

- La femme de ma vie? Une vie? T'aimerais que je sois heureux aussi tant qu'à faire? C'est interdit aux gens comme moi. Je suis un escort-boy Célia. Je vends de l'amour aux femmes et très souvent aussi aux hommes. Je suis pas un homme de sentiments. D'ailleurs les sentiments je devrais les fuir. Partir très loin d'eux parce que ça me nuit.

- Arrête. Rien que par instinct de survie, je ne me laisserais pas aller. Pas avec mes sentiments en tout cas.

Aaron avait le regard perdu dans le vide. Il écoutait Célia sans pour autant mesurer la puissance de ses paroles et le bien qu'elles pourraient lui faire. Dans une tentative désespérée d'humour, il lança:

- Je te ferai un rabais ma belle.

Ultime mensonge.

- Si je ne peux rien changer, personne ne le pourra, c'est une question de bon sens.

Aaron remarqua quand même le sourire de Célia.

- N'empêche que tu souris, ça mérite bien que je cache mes sentiments à la con avec mon humour, non? Obtenir mes services gratuitement n'est pas accessible à tout le monde tu sais!

Ca encore, c'était un mensonge. Combien de filles Aaron pouvait-il se faire en dehors de son travail? Il avait arrêté de compter depuis longtemps.

Au jeu du "Qui sera le plus méchant?", Aaron gagnait toujours.

- Il y a deux secondes tu m'avais pourtant l'air persuadée du contraire. De toutes façons, je n'accepte pas n'importe quelle cliente, j'ai un minimum de critère quand même.

Bam! Aaron était sadique. Il prenait un malin plaisir à faire du mal aux autres. Mais il était tout de même moins drôle de s'en prendre à Célia.

- Je veux bien t'accorder le fait que tu es trop bien pour être ma cliente mais si il a quelque chose d'indéniable dans tout ça, c'est que je mérite la chute de reins de n'importe quelle fille sur cette terre assez stupide pour croire qu'elle est importante à ma yeux. Et c'est ton cas il me semble.

Ignorant son regard, Aaron alla chercher son tabac et ses feuilles en priant pour que tout soit en très bon état. Ce qui fut le cas. Feuille. Tabac. Roulage. Allumage. Fumage. Oh, c'était bon. Aaron appréciait le goût du tabac comme on apprécie un vin âgé.